Une Dame de fer bien utilisée.

A quelques temps de là ( et "là", n'est pas si loin ), acheter une miniature de Tour Eiffel, en cendrier ou porte-clefs affichait aussitôt sur le front des "touristes acheteurs" son mauvais goût assuré.
Aujourd'hui, alors qu'elle se prépare à fêter ses 120 ans, la dame de fer redevient "in", très tendance chez les bobos-branchés.   Louis Vuitton, Sonia Rykiel, Louis Féraud, Jean-Paul Gaultier, A. Tran et bien d'autres créateurs lui rendent hommage en proposant sa silhouette de mannequin leptosome.

Interview :
- Au premiers temps, fraîchement accueillie, conspuée, raillée, critiquée, la Tour Eiffel, à force de sagesse et de bonne tenue, est arrivée à se faire admettre d'abord, puis choyer et, enfin à se rendre indispensable.  Paris sans la Tour Eiffel ne serait plus Paris ! écrit Alphonse Allais en 1901.
- Si bouchant nos oreilles aux éplorations des snobs-artistes, nous les ouvrons, d'autre part, aux criailleries des snobs-utilitaristes, de quelle stupeur ne sommes-nous point frappés en percevant ce propos : 
- Puisqu'elle ne "sert" à rien, démolissons la tour Eiffel !
Ah ! s'il fallait démolir tout ce qui ne" sert" à rien, il ne resterait pas grand-chose, ici-bas !
... Et pourtant, ils n'ont pas tout à fait tort, les utilitaristes !
Quand, à beauté pareille, un objet peut nous rendre service, préférons-le - n'est-ce point votre avis ? - à quelque autre oiseux !
Et tâchons d'utiliser la Tour Eiffel !
Ce n'est point, fichtre, les projets qui manquèrent à cette fin.
D'ingénieux esprits n'allèrent-ils point jusqu'à proposer qu'on la renversât, la pauvre ! tête en bas, piliers en l'air, et qu'on la plaquât d'une gigantesque enveloppe céramique, afin d'obtenir une coupe géante, en laquelle les croisillons et l'eau de pluie se combinant, une véritable source ferrugineuse eût naissance, pour le plus grand bien des Parisiens anémiés par ces vils débauches que nous déplorons tous sans parvenir à les enrayer.
D'autres rêvaient d'installer à son sommet, quoi ?
La Grande Roue, tout simplement, la Grande Roue, transformée en profitable moulin à vent, dont le travail, habilement recueilli et totalisé, actionnera, sans qu'il nous en coûte un liard, des pompes adductrices d'eau et, pourquoi pas d'eau de mer pour Paris-Plage.
Quand le vent ne soufflera pas, nous dirons que c'est marée basse, et voilà tout : détail qui ne manquera pas d'ajouter à l'illusion.

                                      
                                                   
Le courrier des lecteurs :

-  Monsieur Alphonse Allais est un homme de génie.  Mais permettez-moi de proposer une autre utilisation, utilisation permettant de conjuguer ce commandement de notre Créateur : "Ton prochain, tu aideras".  Le voici :
Personne n'ignore les heureuses propriétés de la corde de pendu. 
Que les gens de laboratoire n'aient pas encore réussi à dégager de ce chanvre spécial l'alcaloïde du bonheur, oh! que cela nous importe peu !
Le fait est patent. Voici l'essentiel !
La corde de pendu procure, à qui en porte sur soi le plus menu fragment, une chance indéniable.
Malheureusement l'article devient rare.  La statistique nous apprend que le nombre de pendus non seulement tend à décroître, , mais encore que la longueur de ficelle employée par ces dégoûtés de la vie se restreint dans les plus inquiétantes proportions.
Alors, voilà qu'intervient mon invention :
Au plus haut sommet de la Tour Eiffel, attachons de jolies, d'élégantes, d'appétissantes cordelettes, terminées par un coquet noeud coulant.
Quelques escabeaux laqués compléteront l'ameublement.
Le plus simple calcul apprendra que, a raison de un centimètre par personne, le moindre strangulé peut fournir du bonheur à 29 800 personnes.
(Je défalque, naturellement, les deux mètres qui séparent du sol le noeud coulant).
N'est-ce point tentant, pour un altruiste ?
Un vrai altruiste, bien entendu, un altruiste digne de ce nom.

           L'aumônier de la Tour Eiffel.