NOTRE GRAND ROMAN-FEUILLETON

" L'AFFAIRE BLAIREAU "

TROISIEME EPISODE DU DEUXIEME CHAPITRE



Arabella poussa un gros soupir et murmura, non sans avoir légèrement rougi :
- Je fais de la gymnastique.
M. de Chaville s'approcha :
- Je parie qu'Arabella te raconte ses malheurs.
- Pas du tout. Melle Arabella ne m'a pas encore donné cette marque de confiance. Je le regrette.
- N'écoutez pas Hubert, baron, il se moque de moi. D'ailleurs, ici, tout le monde se moque de moi.
- On ne se moque pas de toi, Arabella. On te plaisante un peu parce que tu es terriblement romanesque...
- Mais, interrompit le baron, c'est fort bien d'être romanesque ! Toutes les femmes devraient être romanesques ; moi, si j'avais été femme, j'aurai été romanesque.
- Oui, mon vieux, mais, ajoute M. de Chaville, en regardant Arabella, l'aurais-tu été au point de nourrir pendant trois mois un prisonnier de Montpaillard, de lui envoyer tous les jours un panier de provisions avec du vieux bourgogne et des cigares de La Havane ?
- Comment, Albert, tu savais ... dit Arabella confuse...
- Certainement, oui, je le savais, et je t'en parle aujourd'hui uniquement, parce que c'est demain le dernier jour du condamné.
- On va le guillotiner ? frémit le baron.
- Non, le relâcher, tout simplement. Ses trois mois sont finis.
- Cette aventure me paraît des plus pittoresques.
Le rouge de la pudeur outragée incendiait la figure d'Arabella :
- J'espère que tu ne vas pas raconter à M. de Hautepertuis ...
- Si, si, je vais lui raconter l'histoire, à ta grande honte ! Figure-toi, mon cher, qu'Arabella s'est monté la tête pour une espèce de mauvais sujet ...
- N'en croyez pas un mot, baron !
- Mais pourtant ...
(Inutile de relater la suite de la conversation, puisque le lecteur en trouvera le sujet développé, non pas dans le chapitre suivant mais dans un de ceux qui viennent après.)

Mais qui est donc ce mystérieux prisonnier que romanesque si bien Arabella ?
Vous le saurez peut-être en lisant le prochain épisode de notre grand roman-feuilleton : 

" L'AFFAIRE BLAIREAU "

Texte d'Alphonse Allais 
Illustrations de Claude Turier (A.A.A.)