NOTRE GRAND ROMAN-FEUILLETON

" L'AFFAIRE BLAIREAU "

PREMIER EPISODE DU CHAPITRE QUATRE


Où font une rapide entrée en scène 
des personnages divers destinés à jouer un grand rôle
dans la suite de cette histoire


C'est par une nuit sans lune, sans étoiles, sans planètes, tranchons le mot, sans astres.
Lamentables pour un amateur de cosmographie, les conditions météorologiques de ce firmament sont de celles qu'accueillent avec ferveur tous les gentlemen dont le travail emprunte quelque danger à être exécuté, non seulement au grand jour, mais encore au plus discret des clairs de lune.
- Gardes champêtres, veillez !
Docile à cette objurgation, Parju (Ovide), garde champêtre à Montpaillard, redoubla de vigilance.
Tout à la fois bien lui en prit, et mal.
Bien, si nous nous plaçons au point de vue de l'ordre si cher à son maire, M. Dubenoît.
Mal, si nous ne considérons que le strict intérêt personnel de l'humble fonctionnaire, lequel récolta, au cours de cette mémorable nuit, une tripotée, si j'ose dire, tout à fait en disproportion avec la modestie de son grade.
Parju (Ovide) représente un de ces gardes champêtres taillés sur le vieux modèle qui servait en France à l'époque où cette grande nation, respectée au dehors, prospérait à l'intérieur.
Deux phares seuls guident l'esquif de la conduite de Parju sur l'océan du devoir : exécution fanatique de la consigne donnée, quelle que soit cette consigne, vénération excessive du supérieur représentant l'Autorité, quel que soit le supérieur et quelle que soit cette autorité.
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La veille de cette nuit sans constellation, M. Dubenoît avait rencontré le garde.
- Bonsoir, Parju, rien de neuf ?
- Rien de neuf, monsieur le maire.
- Parfait ! tâchez que cela continue. S'il n'y a rien de neuf d'ici la fin de l'année, je vous ferai avoir une gratification. Ouvrez l'oeil, et le bon, la nuit comme le jour. Faites des rondes, Parju, faites des rondes de jour, faites des rondes de nuit, de nuit surtout ; bonsoir, Parju.
- Bonsoir, monsieur le maire, vous pouvez dormir tranquille, je ferai des rondes comme s'il en pleuvait ; j'vas commencer par en faire une c'te nuit.
Parju exécuta sa promesse.
Laissant le souci de l'ordre de Montpaillard-Ville aux quelques agents de police citadine que ce soin concerne, Parju visa plus spécialement la périphérie urbaine ou, pour être moins poseur, la partie rurale de la commune.
C'était une nuit sombre, ai-je dit plus haut, mais c'est une nuit plus silencieuse encore.
De temps en temps Parju s'arrête, dresse une oreille d'apache et ne perçoit d'autre bruit que le tic-tac de sa massive et ancestrale montre d'argent.
Il continue sa route.
Le voilà arrivé tout près de la propriété des Chaville.
Soudain ! ... Ah ! ah ! ...


Mais que cache ce soudain ?  Et puis ce ... .... ?  Vous le saurez peut-être en lisant le prochain épisode de notre grand roman-feuilleton :

" L'AFFAIRE BLAIREAU "

Texte d'Alphonse Allais
Illustrations de Claude Turier (A.A.A.)