Le Journal.  Edition très spéciale :  Où se découvre l'existence du Meat-Land.

Honfleur a fêté cette année 2008 les 400 ans de la fondation du Québec par Samuel de Champlain, parti de notre port en 1608. 
En cette année anniversaire et de joyeuseté complète, un journaliste canadien nous révèle une découverte extraordinaire : l'existence du Meat-Land, autrement dit terre de viande, riche carrière de charcuterie, située près d'Arthurville (province du Québec). 
Incroyable : affirmer froidement qu'on venait de découvrir, à 6 miles d'Arthurville (province du Québec) une carrière de charcuterie ! 
Vous avez bien lu, sinon entendu : "une carrière de charcuterie et de Meat-Land (terre de viande)" comme ils disent là-bas. 

Le Journal toujours prompt à en avoir le cœur net, mandata aussitôt l'un de ses meilleurs correspondants pour se présenter au Commissariat Général du Canada, 10 rue de Rome à Paris. 

En l'absence de l'aimable Commissaire Général, notre correspondant fut reçu - fort gracieusement - par une jeune et rousse assistante (d'une rousseur à faire pâlir les érables de son lointain et natal Québec), jeune assistante de beaucoup d'avenir ! 
- Le Meat-Land ! se récria cette jeune et rousse assistante. Mais rien n'est plus sérieux ! Comment ! Vous ne croyez pas au Meat-Land ?
Notre correspondant dut confesser son scepticisme. 
Cette jeune et rousse assistante voulut bien le mettre au courant de la question et lui apprit que ce journaliste canadien n'avait rien exagéré. 

Aux environs d'Arthurville, existait, en pleine forêt vierge (elle était vierge alors), un énorme ravin en forme de cirque, formé par des rocs abrupts et tapissé (à l'instar de nos Alpes) de mille sortes de plantes aromatiques, thym, lavande, serpolet, laurier sauce, etc. 
Cette forêt était peuplée de cerfs, d'antilopes, de biches, de lapins, de lièvres, etc. 
Or, un jour de grande chaleur et d'extrême sécheresse, le feu se mit dans ces grands bois et se propagea rapidement par toute la région. 
Affolées, les malheureuses bêtes s'enfuirent et cherchèrent un abri contre le fléau. 
Le ravin se trouvait là, avec ses rocs abrupts mais incombustibles. 
Les animaux se crurent sauvés ! 
Ils avaient compté sans l'excessive température dégagée par ce monumental incendie. 
Cerfs, antilopes, biches, lapins, lièvres, etc. , se précipitaient par milliers, dans ce qu'ils croyaient le salut et n'y trouvaient que la mort par étouffement. 
Non seulement ce gibier mourut, mais il fut cuit. 
Tant que la température ne fut pas revenue à sa norme, toute cette viande mijota dans son jus (ainsi que l'on procède dans les façons de cuisine dites à "l'étouffée"). 
Les matières lourdes : os, corne, peau, glissèrent doucement au fond de cette géante marmite. La graisse plus légère monta, se figea à la surface, composant, de la sorte, une couche protectrice. 
D'autre part, les petites herbes aromatiques (à l'instar de celles de nos Alpes) parfumèrent ce pâté et en firent un mets succulent. 

Ajoutons qu'un dépôt de Meat-Land doit prochainement s'installer à Honfleur dans le vaste immeuble qui fait le coin du quai de la Tour et de la place Thiers. 
Une société est en voie de formation dans l'exploitation de cette substance unique. 
Nous reviendrons sur cette affaire, une affaire de tout premier ordre sur laquelle nous appelons d'ores et déjà l'attention de la petite épargne. 


1930. Honfleur possédait l'une des rares charcuteries de Meat-Land.